Nous avons vu dans l’article précédent de la série (http://islametoccident.fr/?p=3086) que l’islam a un sérieux problème avec la liberté religieuse et la liberté de conscience. L’origine en est très simple.
- Le commandement de Mahomet
L’origine du problème est en effet connue : Mahomet, apôtre de la religion d’amour et de paix au dire de ses partisans d’aujourd’hui, n’a pourtant pas hésité à ordonner l’assassinat des musulmans qui quitteraient l’islam, c’est-à-dire apostasieraient. Si le Coran ne précise pas le châtiment applicable en cas d’apostasie, laissant simplement entendre qu’il est terrible, Mahomet s’est donné la peine de la préciser : la mort.
Les hadiths de Mahomet à ce sujet (notamment dans les recueils de Bukhari et Muslim) sont parfaitement clairs (cf. http://islametoccident.fr/?page_id=1786) et sont qualifiés d’« authentiques » (sahih) selon la gradation d’authenticité fixée en islam concernant la chaîne des transmetteurs (isnad) de la parole de Mahomet : ils sont donc incontestés dans le monde musulman. Néanmoins, il faut reconnaître que tous les pays musulmans ne poussent pas l’orthodoxie doctrinale jusqu’à appliquer méthodiquement et strictement aujourd’hui le commandement de Mahomet (les musulmans ont aussi leurs jésuites).
Cela étant, de façon générale, la situation des apostats est suffisamment dramatique en islam pour que l’Institut du Monde Arabe ait organisé en novembre 2015 une conférence/débat dont le titre était : « Quelle place dans la religion musulmane pour une véritable liberté personnelle, de conscience et de choix ? »
Ce commandement de Mahomet étant une preuve évidente de l’incompatibilité de l’islam avec les valeurs occidentales, il est donc intéressant d’analyser les arguments présentés par Tareq Oubrou pour tenter de sortir l’islam de cette impasse vis-à-vis de l’Occident.
- L’argument du pacte
Tareq Oubrou écrit : « Comment prendre cette injonction [Celui qui change sa religion, tuez-le] à la lettre, alors même que le Prophète s’était engagé, par un pacte signé avec La Mecque, alors païenne, à laisser partir dans cette ville les musulmans qui désiraient quitter Médine et redevenir idolâtres ? Un engagement qu’il a respecté. (Bukhari n°2731/2732) »
Cet argument n’est pas très compréhensible ni surtout précisément documenté. De quoi s’agit-il ?
Un an après la bataille dite « du fossé » où les Mecquois avaient assiégé Mahomet et ses partisans à Médine – il ne s’était en réalité quasiment rien passé et les Mecquois étaient repartis au bout de quelques semaines –, soit en mars 628, Mahomet conclut, à la grande surprise de ses partisans, une trêve (dite de « Hudaybiyya ») avec les Mecquois qui devait permettre aux musulmans de se rendre à La Mecque pour y faire les ambulations circulaires rituelles autour de la Ka’ba à l’occasion du pèlerinage. Mahomet ne se sentait vraisemblablement pas encore assez fort à cette époque pour prendre La Mecque de force.
La Sîra relate qu’une des clauses imposées par les Mecquois à Mahomet pour autoriser les musulmans à venir en sécurité prier à La Mecque visait naturellement à éviter que son armée ne se renforçât de nouvelles recrues, en l’occurrence des Mecquois (déjà musulmans ou non). Aussi, Mahomet prit l’engagement de renvoyer aux Mecquois tout Mecquois qui essaierait de le rejoindre hors de La Mecque, l’inverse n’étant pas vrai, c’est-à-dire que toute personne du clan de Mahomet rejoignant les Mecquois n’était pas renvoyée à Mahomet, ce qui pouvait constituer une incitation claire à abandonner Mahomet. Ces clauses du pacte furent acceptées par Mahomet, qui les appliqua comme il était de règle et conformément à l’honneur pour tout pacte signé entre tribus (un exemple bien connu est celui du Mecquois Abû Basîr qui rejoignit Mahomet mais fut renvoyé). Cette trêve fut vivement contestée dans les rangs des musulmans qui considéraient qu’elle humiliait la vraie religion, l’islam. L’autorité temporelle de Mahomet fut contestée mais celui-ci tint bon.
On voit donc que le pacte signé avec les Mecquois était tout à fait circonstanciel, afin de permettre aux musulmans d’aller prier à Ka’ba, et surtout n’a aucun lien avec la question de l’application ou non de la peine de mort pour apostasie. Il s’agissait seulement de clauses de renvoi de personnes ralliant le clan opposé. Or ces personnes ne prévenaient bien entendu pas à l’avance leur propre clan de leur futur ralliement au clan ennemi. La question de l’application de la peine de mort à l’apostat voulant quitter le clan musulman pour rallier celui des Mecquois ne se posait donc pas. Cet argument du pacte n’a donc pas de sens.
- L’argument du non-exercice
Selon Tareq Oubrou : « Il est formellement établi qu’aucun texte authentique ne stipule que le Prophète aurait concrètement mis à exécution cette peine [peine de mort pour l’apostasie]. »
Pourquoi cet argument n’est-il pas pertinent ?
1) Il est irrecevable parce qu’il est impossible de démontrer que Mahomet ne l’a jamais mis à exécution, même si ce fut peut-être le cas. On peut démontrer que quelqu’un a fait quelque chose mais pas qu’il ne l’a jamais fait, sauf à avoir des témoins en permanence présents à tout instant du jour et de la nuit. En outre, cela a pu arriver sans ce que fait ait été mentionné par les témoins.
2) De toute façon, il est logiquement aberrant : si l’objectif était de ne jamais mettre à mort un apostat, pourquoi alors avoir édicté la règle inverse ? Il aurait fallu au contraire confirmer l’absence de châtiment. Cela n’a vraiment aucun sens.
- L’argument de la fiabilité du hadith
Contrairement à ce qu’écrit Tareq Oubrou, il n’y pas de contradiction dans les textes sacrés musulmans concernant la question la punition de l’apostasie : « Comme sur beaucoup de sujets dans l’islam, nous sommes en présence de textes qui paraissent contradictoires. Certains garantissent la liberté religieuse, mais d’autres viennent les heurter de plein fouet, telle cette parole du Prophète : « Celui qui change sa religion, tuez-le » (Bukhari n°3017). »
En effet, comme on l’a vu dans le précédent article (http://islametoccident.fr/?p=3086), la diversité religieuse est un fait terrestre, ce n’est pas un objectif divin. C’est au contraire une occasion d’éprouver les hommes pour les juger, et si nécessaire de les punir ici-bas en exemple pour les autres hommes.
Aussi, en l’absence d’argument rationnellement recevable, Tareq Oubrou se risque aller jusqu’à remettre en cause la fiabilité des hadiths (il y en a plusieurs concernant l’apostasie) pour arriver tout simplement au but qu’il veut atteindre. Il est assez inédit qu’un simple imam d’une ville de province en France aille jusqu’à contester la Sunna (tradition musulmane), y compris les recueils de hadiths considérés en islam comme les plus fiables par les plus grands érudits, celui de Bukhari en faisant partie (comme celui de Muslim).
Il écrit ainsi : « Or ce hadith – et il en va ainsi de tous les hadiths – n’est qu’un fragment isolé de son contexte. Celui qui le rapporte, Ibn Abbâs, livre davantage ce qu’il a compris que ce qu’il a entendu – il ne dit d’ailleurs pas l’avoir entendu dans ces termes complets et exacts de la bouche du Prophète, puisqu’il n’utilise pas la formule explicite « sami’tu » (Qu’un compagnon dise : « Le Prophète a dit… » ne signifie pas qu’il a entendu le hadith directement de la bouche de ce dernier tant qu’il n’utilise pas l’expression explicite : « J’ai entendu (« sami’tu) le Prophète dire… » (…) Ce type de hadith constitue plausiblement un simple fragment tiré d’un hadith plus long qui indique les circonstances de son énoncé. Il arrive souvent que les narrateurs ne retiennent qu’une partie du discours, d’où la nécessité d’un travail de montage scripturaire. »
Or ce travail scripturaire a justement été fait, par Bukhari et Muslim notamment. Par ce commentaire, Tareq Oubrou a l’audace assez incroyable de venir, sur la base d’un simple argument de « plausibilité » (il n’a lui-même aucune certitude…), ébranler par un simple trait de plume les fondements d’une bonne partie de la Sunna du Prophète car finalement, à cette aune, on ne sait plus très bien quelle chaîne de transmission et quels hadiths trouvent grâce à ses yeux. Cela doit faire frémir les institutions largement plus légitimes comme Al-Azhar.
- L’argument de la légitime défense
À défaut de pouvoir trouver un défaut certain dans la cuirasse des hadiths, reste le sempiternel argument de la légitime défense qui, lui aussi, ne tient pas debout. Tareq Oubrou écrit en effet : « Pour demeurer fidèle à l’esprit et à la cohérence du Coran, cette violence contre l’apostasie doit être comprise dans le sens d’une légitime défense face à une apostasie qui s’accompagne d’une insurrection armée. Ainsi, l’injonction « tuez-le » (« uqtulûb ») signifierait ici « combattez-le » (« qâtilûb »), comme il est parfois d’usage en arabe. »
On voit ici déjà que Tareq Oubrou n’écarte plus la réalité du prononcé du commandement de peine de mort par Mahomet. Cette recherche de « cohérence » vaut en réalité reconnaissance du caractère clair et incontournable du commandement.
Ensuite, pourquoi associer l’apostasie à l’insurrection armée ? Mahomet n’a mis aucune condition, comme une insurrection armée, à l’application de la peine de mort pour apostasie. Il pouvait tout à fait accepter l’apostasie tout en punissant par ailleurs de mort l’insurrection armée. Le problème sans doute est que le simple fait de résister spirituellement à l’islam, c’est-à-dire de refuser de se convertir à l’islam, est déjà considéré par l’islam comme une déclaration d’hostilité et un combat, qui justifie d’ailleurs pleinement l’alternative offerte aux non-musulmans (hors juifs et chrétiens qui suivent un statut spécifique) : la conversion ou la mort.
- Conclusion
Tareq Oubrou empile les arguments fallacieux, contradictoires les uns avec les autres (certains étant fondés sur des hypothèses qui sapent le fondement des autres arguments). Si un seul des ces arguments était réellement valable, les autres ne seraient plus nécessaires.
Il n’y a aucun moyen de sortir de cette impasse doctrinale liée à un commandement parfaitement clair et explicite, sauf à remettre en cause totalement l’exemplarité de Mahomet et la nécessité de suivre ses commandements, ce que Tareq Oubrou ne peut évidemment pas faire.
La doctrine est claire (même si des pays musulmans trouvent des accommodements pour éviter si possible la peine capitale, surtout sous le regard des occidentaux) et tous les apostats qui fuient notamment le Moyen-Orient en savent quelque chose !