
Chacun sait qu’un des bienfaits apportés par l’islam à l’Occident judéo-chrétien est la polygamie.
Sourate 4, verset 3. (…) Épousez, comme il vous plaira, deux, trois ou quatre femmes. Mais, si vous craignez de n’être pas équitable, alors une seule, ou des concubines [ou esclaves de guerre]. Cela afin de ne pas faire d’injustice ou afin de ne pas aggraver votre charge de famille.
Il est intéressant de rappeler que Mahomet, qui édicta cette règle, s’en est lui-même exonéré, puisqu’il a eu jusqu’à 9 femmes en même temps : privilège hautement spirituel du prince…
Or le principe de la polygamie ressemble fort par nature à une preuve de l’inégalité ontologique de l’homme et de la femme puisque la femme n’a elle, pas le droit d’avoir plusieurs époux et que cela entraîne par ailleurs sa soumission à l’homme.
- Allah est obligé de se plier aux coutumes locales
On attendrait d’un prophète, surtout s’il ne fait que reprendre les paroles de Dieu, qu’il énonce des principes intemporels pour la suite des temps. On imagine mal en effet 1) que Dieu ne sache pas bien ce qu’il veut, ce qui le conduirait à changer d’avis 2) qu’il hésite à se prononcer par peur d’on ne sait quoi ou compte tenu d’on ne sait quels intérêts humains. Eh bien c’est pourtant la thèse contraire que l’islam prétend justifier.
Ainsi Tareq Oubrou écrit au sujet de la polygamie : « À l’époque coranique, la culture polygame était tellement ancrée anthropologiquement qu’il était impossible de l’éradiquer par une simple injonction. Le Coran s’est donc contenté de la restreindre à quatre femmes. (…) La loi se négocie toujours avec la société. C’était déjà le cas à l’époque coranique, où le texte sacré a instauré une oscillation entre la logique du droit celle de l’éthique. Autrement dit, pour changer la loi ou le droit, il faut d’abord changer la culture et les mentalités en parlant aux consciences. »
En réalité, Tareq Oubrou raisonne ici en homme politique et non en représentant d’une spiritualité. Cela est assez normal car l’islam est une idéologie politique qui instrumentalise le besoin de croyance à des fins politiques. Si Mahomet avait voulu en rester à un pur message spirituel, comme Jésus ou Bouddha, il n’aurait pas eu besoin de construire un État avec une armée pour ensuite pourchasser et exterminer les juifs et faire la guerre à ses autres opposants.
- De quelques contorsions intellectuelles pour tenter de rendre la polygamie inapplicable
Face à cette évidence incontournable, Tareq Oubrou tente, en vain, de trouver des raisons de rendre le verset du Coran incriminé inapplicable.
L’argument central est celui de l’équité, repris ainsi par Tareq Oubrou : « Le Coran instaurait un impératif d’égalité de traitement rigoureuse entre les épouses, tout en soulignant que c’était un objectif impossible à atteindre, et précisait que, s’il risquait d’être injuste, l’homme devait se contenter d’une seule femme. Autrement dit, le droit est venu limiter la polygamie à quatre femmes pour qu’ensuite la morale invite les hommes à la monogamie. »
La condition de l’équité est mentionnée par le Coran : mais si c’est un objectif inatteignable de façon absolue, il est relativement facile d’y parvenir de manière relative. En effet, c’est une simple question de volonté et d’intention de la part du mari et donc on ne voit pas pourquoi ce serait impossible si le mari le veut : il suffit en effet au mari de donner la même part (nourriture, vêtements, temps d’échange, relations sexuelles,…) à chacune des épouses.
Reste toutefois, si l’on veut aller jusqu’au bout de la démarche, l’égalité en matière de sentiments, condition qui, elle, ne peut jamais être remplie. Mais l’islam dispense opportunément le musulman de cette condition comme l’explique très bien Yusuf Qaradawi : « Le Prophète a dit : « Celui qui a deux épouses et qui penche vers l’une au détriment de l’autre, viendra le jour de la Résurrection traînant l’une de ses deux moitiés tombée ou penchée » (rapporté par Abou Dawoud et al-Hakinm). Cette inclination du mari contre quoi ce hadith met en garde est la transgression des droits de l’autre dans la justice, et non le simple penchant du cœur. Car cela entre en effet dans la justice qu’on ne peut réaliser et qui a fait l’objet du pardon de Dieu : « Vous ne pourrez jamais être équitables envers vos épouses même si vous vous y appliquez. Ne penchez pourtant pas entièrement (vers l’une d’elles) » (sourate 4, verset 129). C’est pourquoi le Messager de Dieu partageait équitablement et disait : « Seigneur ! Tel est mon partage selon les moyens dont je dispose. Ne me tiens pas rigueur dans ce que Tu détiens et que je ne détiens pas » (voir al-Sounan). Il faisait allusion au penchant du cœur et des sentiments en faveur de l’une de ses femmes et qu’il ne pouvait éviter. »
Le musulman doit ainsi seulement viser l’équité matérielle (et non sentimentale) en veillant à n’être pas trop partial, ceci devant se concrétiser par une forme de concorde entre ses femmes, comme lui recommande le Coran :
Sourate 4, verset 129. Vous ne pourrez pas être équitable entre vos femmes, même si vous le désirez. Ne soyez pas trop partiaux au point de laisser l’une d’entre elles comme en suspens. Si vous établissez la concorde et si vous êtes pieux, Allah pardonne et est miséricordieux.
Quant aux autres arguments mentionnés par Tareq Oubrou, ils sont tout aussi faibles.
1) Une soi-disant interdiction implicite
Tareq Oubrou écrit sur le même thème dans un autre ouvrage (« Un imam en colère ») : « Les conditions drastiques constituent une forme d’interdiction de la polygamie qui ne dit pas explicitement son nom. »
Non seulement les conditions ne paraissent pas si drastiques que cela, mais prétendre qu’une « forme d’interdiction », non explicite, existerait semble pour le moins alambiqué alors que l’interdiction directe était la solution évidente ! Mais il faut croire qu’Allah avait peur des hommes au VIIème siècle… On se demande d’ailleurs pourquoi il n’est pas revenu depuis pour interdire définitivement cette pratique puisque les mœurs ont changé : Ô mystère du divin !
2) La femme peut parfois s’opposer à la polygamie
Tareq Oubrou écrit : « Le mariage est un contrat qui comprend des clauses. Selon un hadith, l’homme doit impérativement respecter les clauses ajoutées par la femme. (…) C’est pour cette raison que les hanafites par exemple, interdisent la polygamie si la première épouse exige d’inscrire la monogamie dans le contrat de mariage. »
Il existe effectivement certaines coutumes confirmant la validité juridique de la clause interdisant à un homme de prendre une autre épouse. Et c’est mieux que rien. Mais alors on peut s’interroger : pourquoi cela n’a-t-il pas été généralisé dans tous les pays ?
Quoiqu’il en soit, cela ne retire en rien la légitimité doctrinale à la polygamie en islam. On peut en effet a priori considérer que cela fait partie du contrat de mariage par lequel la femme reçoit sa « dot » (le « mahr ») : celle-ci peut être en argent, en nature ou dans la privation d’un droit revenant au mari et dont elle tire bénéfice.
En pratique, les choses ne sont pas si simples car une musulmane qui ne trouve pas de mari n’a pas de statut et est reléguée dans les sphères les moins bien perçues de la société musulmane, sans même compter qu’il faut bien qu’elle subvienne à ses besoins matériels. La femme, et là où c’est possible, doit donc peser les avantages et les inconvénients d’une telle exigence pour son avenir.
3) L’argument de la répudiation
La réfutation de la polygamie soulevant de multiples difficultés, Tareq Oubrou avance l’argument des progrès faits en matière de répudiation : « Avant l’islam, les hommes pouvaient répudier et reprendre leur femme indéfiniment, empêchant ainsi cette dernière d’aller chercher un autre mari. Le Coran est venu limiter cette possibilité à deux tentatives. À la troisième répudiation, l’homme ne peut plus reprendre sa femme. »
C’est effectivement un progrès par rapport aux mœurs arabes antéislamiques que d’avoir fixé à la troisième la répudiation définitive : auparavant, les arabes pouvant répudier leur femme qui n’avait pas pour autant le droit de se remarier, les maintenant dans un statut de précarité forcé. Mais il n’en reste pas moins qu’Allah a considéré que la répudiation était un bon principe et l’a maintenu dans le Coran. Comment alors encore oser parler de progrès au XXème siècle sans mettre fin à cette pratique répugnante, excellente illustration de l’inégalité homme-femme ?
Tareq Oubrou pratique, on le voit, une forme de taqiya classique consistant à tordre les textes, parfois jusqu’à l’absurde, et à inventer ce qui est nécessaire pour démontrer ce à quoi il veut parvenir. Cela n’apparaît pas nécessairement de façon évidente au lecteur qui ignore les textes sacrés de l’islam mais une lecture un peu éclairée permet de démasquer ce procédé visant à occulter la lumière de la vérité et de la simplicité, lumière qui semble pourtant moins gêner des personnalités de l’islam autrement plus éminentes et qui assument beaucoup mieux et sans état d’âme le contenu de ces textes.
L’islam est en effet un système politico-religieux bien plus cohérent qu’on veut bien souvent le dire : le problème est que, s’agissant du statut des femmes, ce que propose l’islam est insupportable et incompatible avec les valeurs modernes occidentales.