Les châtiments corporels en islam : une position « occidentalisée » très courageuse

Ghaleb Bencheikh, musulman pondéré et cultivé, présentateur attitré de l’émission de France 2 « Islam » diffusée le dimanche matin sur France 2 prend position, dans le cadre d’une conférence sur le mot « chari’a » organisée par la société des amis de l’Institut du Monde Arabe, contre toute forme de châtiment corporel en islam. C’est une position claire et très courageuse, beaucoup plus en tous cas que celle de Tariq Ramadan à laquelle il fait allusion, celui-ci n’ayant pas eu le courage de s’y opposer ouvertement et ayant simplement demandé il y a 10 ans, sans succès, la mise en place d’un moratoire.

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Toutefois, pour Ghaleb Bencheikh, ces châtiments corporels auraient fait leur apparition relativement récemment, point de vue très contestable. Rappelons en effet que le moratoire demandé par Tariq Ramadan en 2007 a été rejeté par l’université d’Al-Azhar, celle-ci rappelant à cette occasion que les châtiments corporels ont toujours fait partie intégrante de la religion et de la tradition musulmane (voir mon article précédent http://islametoccident.fr/?p=1375 ).

Quant débat de savoir si le fondement des châtiments corporels se trouve dans le Coran ou non, celui-ci reste confus puisque Ghaleb Bencheikh estime que certains châtiments n’ont pas de fondement coranique (sans préciser lesquels et sans parler des autres), tout en laissant ouverte la possibilité que les mêmes puissent en avoir néanmoins un « par extraordinaire ».

En tout état de cause, Ghaleb Bencheikh va très loin dans sa position puisqu’il envisage de rejeter certains passages du Coran à supposer qu’on arrive à démontrer que le fondement coranique des châtiments corporels existe effectivement, ce qui est un immense blasphème venant de la bouche d’un musulman.

Les leçons de taqiya de Tareq Oubrou : (6) La paix d’Allah

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  • La problématique

Si la notion d’amour est absente du Coran (où figure la notion de « miséricorde », qui prête d’ailleurs à une grande confusion si l’on commet l’erreur de croire qu’il s’agit de la miséricorde entendue au sens chrétien), la paix est présente mais il s’agit d’une paix entre musulmans. En effet, le Coran ne tarit pas de références sur le sort atroce que connaîtront dans l’au-delà les mécréants, punis par Allah dans des conditions épouvantables. Un exemple parmi la multitude de versets portant sur cette question :

Sourate 2, verset 114. Qui est plus injuste que celui qui empêche que dans les mosquées d’Allah, on invoque Son nom, et qui s’efforcent de les détruire, alors qu’ils ne devraient y entrer que remplis de crainte. Pour eux, ce sera l’ignominie ici-bas et dans l’au-delà un châtiment immense.

Et non seulement, ce châtiment est terrible, mais il est le plus souvent éternel. Quelques exemples parmi une multitude :

Sourate 2, verset 39. Ceux qui auront été incrédules et auront été traité Nos signes de mensonges, ceux-là sont les hôtes du Feu où ils demeureront éternellement.

Sourate 2, verset 161. Ceux qui ne croient pas et meurent mécréants subiront la malédiction d’Allah, des anges et de tous les hommes.

Sourate 2, verset 162. Ils la subiront éternellement. Leur châtiment ne leur sera pas allégé (…).

Sourate 2, verset 257. Allah est le maître de ceux qui croient : Il les fait sortir des ténèbres vers la lumière. Quant à ceux qui ne croient pas, ils ont pour défenseurs les Taghout qui les font sortir de la lumière vers les ténèbres. Voilà les hôtes du Feu, où ils demeureront éternellement.

Sourate 3, verset 116. Quant aux incrédules, ni leurs biens, ni leurs enfants ne pourront jamais leur servir contre Allah. Ceux-là sont les hôtes du feu : ils y demeureront éternellement.

Sourate 4, verset 168. Ceux qui sont incrédules et injustes, Allah ne leur pardonnera pas et ne les guidera pas dans un chemin

Sourate 4, verset 169. autre que celui de la Géhenne où ils demeureront éternellement. Cela est facile à Allah.

etc…

Sourate 98, verset 6. Les infidèles parmi les gens du Livre, ainsi que les associateurs iront dans le feu de l’enfer, pour y demeurer éternellement. Ceux-là sont le pire de l’humanité.

Ceux qui douteraient que ces versets, déjà nombreux, constituent un simple échantillon peuvent se reporter aux 16 pages de la section 6.3 « Les mécréants seront punis par Allah » du « Livret musulman de premier secours » (http://islametoccident.fr/?page_id=1786).

Une fois ce rappel bien en tête, examinons maintenant la thèse de Tareq Oubrou.

  • La « noblesse » d’Allah

Pour Tareq Oubrou, « Selon la théologie sunnite, Dieu doit respecter Sa promesse (le Paradis), mais non Sa menace. Il n’est pas obligé de mettre à exécution sa colère. Cela s’appelle une noblesse. (…) C’est bien ce que laisse entendre ce verset : « Il y a resteront éternellement [en Enfer] tant que demeureront les cieux et la terre, à moins que ton Seigneur n’en décide autrement. Ton Seigneur fait ce qu’il veut. » (sourate 11, verset 107) À noter ici que l’éternité (« khulûd »), dans le vocabulaire du Coran, n’est pas synonyme d’une durée infinie. »

Tareq Oubrou énonce ici une évidence tautologique : Dieu étant maître de toutes choses, il est aussi maître du châtiment qu’il applique selon son bon plaisir. Cela prouve-t-il qu’il s’agit d’un dieu d’amour et de pardon ? Absolument pas, comme la litanie des versets référencés ci-dessus le montre : le pardon est l’exception.

  • Un renversement opportuniste des valeurs

Pour Tareq Oubrou, « Ce verset [11/107] met en cause le sens littéral de tous les versets qui donneraient l’impression que le châtiment de Dieu serait d’une durée infinie. Tout simplement parce que l’homme n’a pas été créé pour la souffrance, même si celle-ci peut être un passage, une épreuve, une purgation temporelle. »

Ainsi donc, un unique verset – qui ne fait qu’énoncer une tautologie sans conséquence – mettrait donc en cause le sens obvie de la multitude des versets évoquant clairement le caractère éternel du châtiment des mécréants ? Alors que les lois de la statistique pulvérisent cette affirmation et contre toute logique, il faudrait faire une confiance aveugle à Tareq Oubrou, simple imam de la petite bourgade de Bordeaux ?

  • L’ignorance des musulmans

On comprend ainsi mieux pourquoi Tareq Oubrou écrit : « Beaucoup de musulmans ignorent cette doctrine orthodoxe (sunnite) qui défend l’idée d’un Enfer extinguible et prévoit que, quelles que soient les fautes ou la « mécréance » d’une personne, celle-ci ne restera pas dans le châtiment pour l’éternité. »

En effet, l’évidence coranique du caractère éternel du châtiment du mécréant – sauf exception – est tellement aveuglante qu’il est tout à fait logique que les musulmans eux-mêmes méconnaissent la thèse présentée par Tareq Oubrou.

Que le séjour en enfer d’un individu puisse, selon la volonté d’Allah, être temporaire est une chose admise et logique, mais Tareq Oubrou va beaucoup plus loin plus qu’il postule que c’est la règle systématique : sur quels textes est fondée cette position audacieuse – voire stupéfiante au regard de la multitude de versets du Coran qui s’y opposent – ? Malheureusement, Tareq Oubrou ne le précise pas.

  • Conclusion

L’audace théologique de Tareq Oubrou semble sans limite puisqu’il postule en réalité que le châtiment du mécréant est toujours temporaire, ce qui revient à aller à rebours de la lecture élémentaire du Coran. Faut-il s’étonner après cela qu’il soit condamné à mort par l’État Islamique pour déviance et donc apostasie ?

Tareq Oubrou voudrait-il nous faire croire qu’il y aurait une proximité entre la théologie musulmane et la théologie chrétienne, qui s’est en effet beaucoup interrogée sur l’enfer et le purgatoire, alors que les conceptions de Dieu dans ces deux religions n’ont absolument rien à voir ? Rappelons juste que la différence évidente entre Jésus et Mahomet est que l’un a prêché pacifiquement et a fini sur la croix, tandis que l’autre a finalement prêché par l’épée en massacrant ses opposants.

La paix dans le Coran

Si les paroles violentes et les références à la guerre (jihad) sont très fréquentes dans le Coran, peut-on dire qu’elles seraient « compensées » par des paroles invitant à la paix et à la bienveillance avec les infidèles ?

Malek Chebel indique : « La notion de paix (salam) apparaît 18 fois dans le Coran. » Analysons donc si ces mentions appellent à la bienveillance vis-à-vis des non-musulmans en classant ces versets par catégories :

  • Versets destinés aux musulmans eux-mêmes :

Sourate 2, verset 208 : « Ô vous qui croyez ! Entrez tous dans la paix ; ne suivez pas les pas du démon car il est votre ennemi déclaré »

Sourate 4, verset 86 : « Quand on vous [ndlr musulmans] salue courtoisement [par un signe de paix], saluez d’une façon encore plus polie ou bien rendez simplement le salut. »

Sourate 6, verset 127 : « Le séjour de la paix leur [ndlr aux musulmans] est destiné au près de leur Seigneur en récompense de leurs actions [sur terre]. »

Sourate 10, verset 25 : « Allah appelle à la demeure de la paix et guide qui Il veut vers un droit chemin. »

Sourate 59, verset 23 : « C’est Lui, Allah. Nulle divinité autre que Lui. Il est le roi, le saint, la paix, celui qui témoigne de sa propre véridicité. (…) »

Sourate 97, verset 5 : « Elle [ndlr la nuit du décret] est paix et salut jusqu’à l’apparition de l’aube. »

  • Versets relatifs aux prophètes précédents :

Sourate 11, verset 48 : « Il fut dit : « Ô Noé, débarque avec la paix que Nous te donnons et des bénédictions sur toi et sur les communautés [issues] de ceux qui sont avec toi. (…) » »

Sourate 11, verset 69 : « Nos émissaires apportèrent à Abraham la bonne nouvelle en disant : « Paix ! ». Il dit : « Paix ! » et il ne tarda pas à apporter un veau rôti. »

Sourate 19, verset 15 : « Que la paix soit sur lui [ndlr Jean le Baptiste] le jour où il naquit, le jour où il mourra, et le jour où il sera ressuscité ! »

Sourate 19, verset 33 : « Et que la paix soit sur moi [ndlr Jésus] le jour où je naquis, le jour où je mourrai, et le jour où je serai ressuscité vivant. »

Sourate 19, verset 47 : « « Paix sur toi », dit Abraham. « J’implorerai mon Seigneur de te pardonner car Il a m’a toujours comblé de Ses bienfaits. » »

Sourate 21, verset 69 : « Nous dîmes : « Ô feu, sois, pour Abraham, fraîcheur et paix ». »

Sourate 37, verset 79 : « Paix sur Noé dans tout l’univers ! »

Sourate 37, verset 109 : « Paix sur Abraham ».

Sourate 37, verset 120 : « Paix sur Moïse et Aaron ».

Sourate 37, verset 130 : « Paix sur Élie et ses adeptes ».

Sourate 37, verset 181 : « Paix sur les Messagers ».

  • Dans la relation aux non-musulmans (infidèles et mécréants) :

Sourate 8, verset 61 : « Et s’ils [ndlr les non-musulmans] inclinent à la paix, incline vers celle-ci (toi aussi) et place ta confiance en Allah, car c’est Lui qui entend et sait. »

CONCLUSION

Sur les 18 versets ci-dessus, un seul, le dernier, semble pacifique à l’égard des non-musulmans. Sur cette base, on ne peut donc guère soutenir que le Coran regorgerait de versets inclinant à la paix et à la bienveillance envers les non-musulmans.

Et ce d’autant moins qu’Abdurrahmân Badawî, traducteur de l’intégralité de la biographie de Mahomet, précise dans sa traduction que ce verset 61 de la sourate 8 veut dire : « s’ils t’invitent à faire la paix sur la base de leur conversion à l’islam, alors fais la paix avec eux sous cette condition. » Il ajoute à ce propos en note de bas de page : « Cette explication est très importante : ce n’est pas la paix à tout prix, ou sans aucun prix, qu’il faut conclure avec l’ennemi. Voilà un avertissement solennel à tous ceux qui, aujourd’hui, jouent avec le sens de ce verset ! » Voilà qui change singulièrement le sens de ce verset !

On est donc très, très, très loin du caractère pacifique des Évangiles ou du bouddhisme. Dans ces conditions, est-il légitime d’appeler l’islam « religion d’amour et de paix ? »

Allah : un dieu bon ?

Le dieu des musulmans, Allah, est-il un dieu bon et qui prêche la bonté vis-à-vis des non-musulmans notamment ? Si on lit le Coran, rien n’est moins sûr, c’est le moins que l’on puisse dire.

Le Conseil européen des fatwas rappelle que « La promesse de l’Enfer liée à tout mauvaise action commise par le musulman signifie non pas que celui-ci y demeurera éternellement comme c’est le cas pour les négateurs (kuffâr), mais qu’il y sera envoyé comme tout monothéiste ayant désobéi. »

La question pour les musulmans est alors d’essayer de concilier la simple lecture de ce texte avec l’idée de religion d’amour et de paix : c’est un exercice qui semble particulièrement difficile et périlleux.

À titre d’exemple, voici l’explication donnée par le professeur Ali Benmakhlouf lors de l’émission de France 2 « Islam » de mars 2015 consacrée à « l’amour et la miséricorde en islam ». Chacun pourra juger de la pertinence de l’argumentaire.

Allah est-il bon

Allah est-il bon

Présentateur : « Quelle est votre réaction ? Tout particulièrement, il y a des passages qui parlent des « dieux vengeurs », « il faut occire les infidèles », « l’enfer est réservé aux mécréants », et d’un autre côté, il y a la bonté, la mansuétude et la miséricorde divine. »

Professeur Ali Benmakhlouf : « Plus que jamais, l’analyse doit s’inviter dans les textes. Plus que jamais, plus que jamais. Vous savez, on ne s’en sortira que par la connaissance. Si on prend les mots comme des images détachées, et que psychologiquement on les fasse fonctionner comme des fantasmes et des obsessions, on n’y arrivera pas. Vous avez dit un mot très important, « dieu vengeur« . Quand vous mettez « dieu vengeur », à côté de tous les attributs infinis de Dieu, vous vous rendez compte que cela ne tient pas. Alors vous allez me dire « oui mais quand même c’est l’expression qui est utilisée ». Il y a la dévotion, il y a la bigoterie. La dévotion, précisément, c’est le respect de la piété, de gens qui se rapportent à un dieu, clément. Tout ce que vous avez montré dans le premier sujet : miséricordieux. Il y a la manière de ramener Dieu sur terre, au niveau d’une psychologie basse, d’un coup pour coup. Et là, les gens sont en quelque sorte comme rassurés, eh bien ils disent « ben Dieu est comme nous », mais c’est la plus grosse bigoterie : le minimum de dévotion, la plus grande superstition, et on est loin de la religion. Et vous allez me dire « pourtant, c’est dans le texte ». Oui, mais le texte est un texte imagé, par paraboles, par analogies, un récit qui donne l’ébauche d’une culture, qui donne en quelque sorte, comme par avance, ce qu’une culture peut dire d’elle-même. Mais si précisément après, vous vous attachez à ce récit et que vous en faites une norme, là vous intervenez par bigoterie. Je ne pense pas qu’aucun des versets du Coran soit une norme humaine, et que quand l’homme rapporte un verset à une norme humaine, eh bien il est dans la bigoterie et non dans la dévotion. »

Présentateur : « Est-ce que vous auriez un exemple à nous donner de ce qui pourrait être pris au pied de la lettre et qui relèverait de la bigoterie, ou ce qui aurait pu être suivi par acte de piété et de dévotion ? »

Professeur Ali Benmakhlouf : « Si je vais à la mosquée pour que les autres voient que je vais à la mosquée, et pas parce que je prie pour moi-même et pour Dieu, eh bien c’est un acte de bigoterie et pas de dévotion. Si je donne l’aumône, pour que d’autres voient que je donne l’aumône, c’est de la bigoterie et pas de la dévotion. »

Présentateur : « Alors que donne ta main droite ce qu’ignore ta main gauche ».

Professeur Ali Benmakhlouf : « Voilà, c’est-à-dire que les actions sont selon les intentions et à chacun selon son intention. Eh bien, si vous allez avec une intention de véritablement vous adresser à Dieu et de l’invoquer précisément, vous ne l’invoquez pas pour que quelque chose s’améliore dans votre vie, vous l’invoquez pour l’invoquer. Et c’est dans l’invocation que quelque chose s’améliorera de votre vie. Votre comportement de croyant, c’est en lui-même que se trouve la justification de votre foi. »