Ghaleb Bencheikh, présentateur attitré de l’émission de France 2 « Islam » diffusée le dimanche matin sur France 2, affirme dans une conférence de novembre 2017 organisée par la Société des Amis de l’Institut du Monde Arabe à propos du mot « salafisme » que les salafistes/fondamentalistes musulmans refuseraient de prendre en compte les avis des 4 grandes écoles juridiques de l’islam (cf. http://islametoccident.fr/?p=3967 ), sous-entendant ainsi que la jurisprudence musulmane s’opposerait fermement à l’utilisation de la violence et à l’idée de guerre sainte. Malheureusement, ceci est tout à fait faux. Pour le prouver, il suffit de lire cette jurisprudence.
Les 4 grandes écoles juridiques de l’islam, dont les fondateurs ont globalement vécu peu de temps après la mort de Mahomet et sont donc proches des sources originelles, sont : le hanafisme (l’imam Abu Hanifa, son fondateur, est mort en 767) ; le malikisme (l’imam Malik, son fondateur, est mort en 796) ; le chaféisme (l’imam Al-Chafi, son fondateur, est mort en 820) ; le hanbalisme (l’imam Ahmed ibn Hanbal, son fondateur, est mort en 855).
J’aborde ici deux jurisprudences car elles sont aisément disponibles en anglais ou en français.
- La jurisprudence malikite
La jurisprudence malikite a une importance particulière pour la France car c’est la jurisprudence musulmane de référence des pays maghrébins. Ceux qui voudraient la consulter peuvent se procurer l’ouvrage de référence : « Al Muwatta’ »

Cet ouvrage comporte 61 chapitres (livres) consacrés quasi exclusivement à des questions d’ordre pratique : les prières, la pureté, les funérailles, le jeûne, le pèlerinage, le mariage, la chasse, etc. Les questions traitées sont très « terre-à-terre », jusqu’à un point qu’on a du mal à imaginer pour un ouvrage religieux où l’on s’attend en principe à des considérations ou des règles spirituelles. Ainsi, par exemple, un article, parmi bien d’autres centrés sur les rituels et les interdits, précise qu’il est « interdit d’orienter la face ou le dos vers la qiblah [la direction de La Mecque] lors de la satisfaction des besoins naturels » (livre 14, section 1).
Pour comprendre la signification et la place du jihad ou « combat dans la voie de Dieu » dans cette jurisprudence, il suffit de lire les sections du chapitre qui lui est consacré. Voici la photographie de la page de la table des matières consacrée à ce chapitre (livre 21) :

Il est aisé de voir qu’il n’est nullement question ici d’affirmer la prééminence d’un « effort intérieur » vis-à-vis du combat armé pour la défense de l’islam, qui correspond bien à la notion de « guerre sainte », au contraire. Les titres de section sont éclairants : on y parle d’ « expédition », de « chevaux », de « butin », « martyr », etc. toutes notions qui n’ont pas grand-chose à voir avec le combat spirituel contre soi pour s’améliorer intérieurement. Ce dernier n’est pas totalement écarté mais est relégué à l’arrière-plan comme solution alternative pour tous ceux qui ne seraient pas en mesure d’aller combattre avec des armes. Il suffit de lire les premiers articles/hadiths figurant au début de ce chapitre pour comprendre cette hiérarchie claire des valeurs :
(973) 1 – Abû Hurayra a rapporté que l’Envoyé de Dieu a dit : « L’exemple de celui qui lutte dans la voie de Dieu [c’est-à-dire le combat armé] est pareil à celui chez qui le jeûne est permanent jour et nuit, ne cessant de prier et de jeûner, et cela jusqu’à son retour. » (NB : il s’agit là du tout premier article/hadith de la section et le 973ème article de la jurisprudence complète)
(974) 2 – Abû Hurayra a rapporté que l’Envoyé de Dieu a dit : « Dieu assure à celui qui lutte dans sa voie, n’ayant quitté sa demeure que pour le combat dans la voie de Dieu, témoignant de la véracité de ses paroles, Dieu lui assure sa place au paradis (s’il y est tué), ou le ramène chez lui, dans sa maison qu’il a quittée, tout en obtenant une récompense céleste et un butin. »
(976) 4 – Atâ Ibn Yassâr a rapporté que l’Envoyé de Dieu a dit : « Ne voulez-vous pas connaître qui jouira le plus du meilleur poste (auprès de Dieu) ? Il est celui qui, tenant la bride de son cheval, ira combattre dans la voie de Dieu. Ne voulez-vous pas connaître qui le suivra ? C’est celui qui, avec son troupeau, vit dans une retraite, faisant la prière, s’acquittant de la zakat et adorant Dieu sans rien lui associer. »
Les sections qui suivent (« De l’interdiction de tuer les femmes et les enfants au cours des expéditions », « De l’assemblage du butin au cours d’une expédition », etc.) confirment qu’il ne peut y avoir aucun doute quant à la nature foncièrement guerrière du jihad.
Le caractère saint du jihad s’exprime en outre manifestement par l’interdiction d’emporter le Coran au pays de l’ennemi. La section 2 du livre 21 est en effet la suivante (avec son unique article) :
« 2. De la prohibition de porter le Coran au pays de l’ennemi. (979) 7. Abdullah Ibn Omar a rapporté que l’Envoyé de Dieu a interdit de porter le Coran au pays de l’ennemi. Malik a dit : « De peur que l’ennemi ne le souille [en temps de guerre]. » »
- La jurisprudence chaféite
J’ai eu l’occasion d’aborder cette question dans mon premier ouvrage « L’islam de France (et d’Europe) : un message de paix ? » sur la base de la lecture de l’ouvrage de jurisprudence chaféite de référence « Reliance of the traveller », traduction anglaise de l’ouvrage original arabe authentifiée par l’université Al-Azhar elle-même (cf. https://en.wikipedia.org/wiki/Reliance_of_the_Traveller ).
Cette jurisprudence est également claire sur la nature guerrière du jihad (cf. section Ro9.), reprenant avec un certain bon sens les versets du Coran ainsi que la biographie de Mahomet :
« Les détails concernant le jihad se trouvent dans les récits des expéditions militaires du prophète, incluant ses propres expéditions militaires et celles dans lesquelles il a envoyé les autres : les premières consistent dans celles auxquelles il a personnellement participé, soit 27 (d’autres disent 29). Il combattit lui-même dans 8 d’entre elles (…). Pour les autres expéditions, il envoya d’autres se battre, lui-même restant à Médine, et il y en eut 47. »
« Jihad signifie « guerre contre les non-musulmans », et est étymologiquement dérivé du mot « mujahada » signifiant « guerre pour établir la religion ». (…) La base scripturale pour le jihad, selon le consensus des lettrés, sont des versets tels que :
(1) « Le combat vous a été prescrit » ;
(2) « Tuez-les où que vous les trouviez » ;
(3) « Combattez les associateurs sans exception » ; et des hadiths tels que celui relaté par Bukhari et Muslim selon lequel le prophète a dit : « Il m’a été ordonné de combattre les peuples jusqu’à ce qu’ils témoignent qu’il n’y a d’autre dieu qu’Allah et que Mahomet est son messager, qu’ils prient et qu’ils paient la zakat. S’ils acceptent, ils sauvent leur sang et leurs biens, à l’exception des droits que l’islam a sur eux. Et leur dernier jugement est avec Allah ». Et selon le hadith rapporté par Muslim : « Aller le matin ou le soir pour combattre dans le chemin d’Allah est mieux que de posséder le monde entier et tout ce qu’il contient ». »
La thèse selon laquelle la notion de guerre sainte ne ferait pas partie des fondements de l’islam est contredite par les textes mêmes de l’islam. Mahomet lui-même a donné l’exemple du combattant au nom de la religion : il suffit de lire sa biographie et de prendre connaissance des massacres épouvantables qu’il a commis (notamment en exterminant les juifs, qui contestaient sa légitimité religieuse), des assassinats d’opposants religieux qu’il a ordonnés, des expéditions menées au nom de l’islam.
Soyons clairs : prétendre que la « guerre sainte » ne ferait pas partie des fondements doctrinaux de l’islam est un mensonge inouï. C’est précisément d’ailleurs la raison pour laquelle l’islam « modéré » est absolument incapable de produire un contre-argumentaire doctrinal aux analyses des musulmans fondamentalistes et doit se contenter, comme moyen de lutte, d’incantations.
Pourtant la négation répétée de cette évidence face à un public occidental totalement ignorant des textes musulmans est une technique éprouvée du monde de la bien-pensance universitaire et journalistique occidentale, dont la laïcité revancharde ne supporte pas l’immensité de l’héritage chrétien qu’elle a reçu en legs – jusqu’à la faire basculer par haine dans l’islamo-gauchisme (la destruction du christianisme par la promotion d’un islam qu’elle a la naïveté de penser pouvoir contraindre par le carcan de cette laïcité imbécile qui refuse ses origines) –, ou qui est trop effrayée d’ouvrir la boîte de Pandore de la vérité doctrinale de l’islam après des décennies d’immigration irresponsable.
La lecture de la jurisprudence malikite montre d’ailleurs de façon claire que le jihad a une importance doctrinale tout à fait assumée dans la culture maghrébine musulmane : la France laïco-chrétienne est donc loin d’en avoir fini avec l’islam maghrébin et plus généralement avec la violence musulmane car elle est justifiée par la doctrine même de l’islam.