L’émission interreligieuse diffusée le 25 novembre 2019 sur France 2 était l’occasion de rappeler qu’au Moyen-Orient les communautés humaines des différentes religions ne sont pas égales entre elles au sens où il n’existe pas d’égalité au sens civil puisque l’islam ne peut concevoir la laïcité que comme un abominable athéisme : un rappel utile à l’attention de tous ceux qui prétendent que l’islam est compatible avec la laïcité française et que la notion de « citoyenneté » a un sens en milieu musulman.
Catégorie : Liban
Intolérance et communautarisme musulmans : une synthèse limpide
Les adeptes du politiquement correct, apôtres du « vivre-ensemble » qui ne connaissent rien à l’islam, évoquent souvent dans les médias gouvernementaux européens la tolérance que recèlerait l’islam, car ni Al Qaïda, ni l’État Islamique, ni l’Arabie Saoudite (pourtant sa terre sainte), ni l’islam des mollahs, ni… n’auraient pour eux un quelconque rapport avec l’islam authentique du bienheureux Mahomet qui a pourtant massacré de nombreux juifs de Médine, mené une multitude de guerres, mettait en esclavage femmes et enfants capturés lors des batailles et les vendait sur les marchés pour se procurer des chevaux et des armes, multipliait les épouses (dont une petite fille), condamnait à mort les apostats musulmans,…
Pour rendre crédible la thèse d’un vivre-ensemble possible entre communautés religieuses différentes, il arrive que le malheureux Liban soit cité comme modèle de cohabitation harmonieuse. Or il n’en est rien. Si le communautarisme religieux libanais repose sur un équilibre dans la répartition des pouvoirs entre communautés religieuses au sein des institutions libanaises (la laïcité n’existant pas au Liban), celui-ci ne reflète aucunement une quelconque symbiose des cultures entre chrétiens, musulmans sunnites, musulmans chiites et druzes.
Voici ci-après à titre d’illustration un article d’Hussein Al-Kouatly, directeur de « Dar el-Ifta’a » (institut éducatif pour la recherche juridique islamique), cité par Antoine Saad dans son livre « Mémoires du Père Abbé Boulos Naanman ». Cet article a été publié par le quotidien libanais de langue arabe « as-Safir » le 18 août 1975, à l’heure où la guerre du Liban venait de se déclencher après des années de supposé vivre-ensemble bienheureux. Le lecteur appréciera la clarté, la lucidité et la concision du propos qui ne laissent aucune place à l’incertitude quant aux intentions de l’islam :
« L’islam, de façon claire, dicte qu’un musulman ne peut pas avoir une attitude indifférente par rapport à l’État. Par voie de conséquence, son attitude vis-à-vis du gouvernant et du gouvernement ne peut pas être molle, se satisfaisant de demi-mesures. Soit le gouvernant est musulman et le gouvernement musulman, alors le musulman est satisfait et il les appuie ; soit le gouvernant est non musulman et le gouvernement non musulman et il les refuse, s’oppose à eux et œuvre à leur élimination, en souplesse ou de force, ouvertement ou en secret (…). La question n’est pas en réalité une question de racisme religieux… C’est tout simplement que « c’est cela l’islam ». Les musulmans n’ont pas amené cette religion de la maison de leur père pour avoir le droit de la modifier ou d’y changer des choses – et il y croient – ; elle est descendue ainsi de leur prophète, religion et État, valable pour l’individu et la communauté. Cela est la loi de Dieu et la loi de Dieu ne peut subir aucun changement… »
La tolérance en islam : une chimère
La religion devrait être une affaire strictement personnelle mais ce n’est pas le cas dans l’islam qui est une religion communautariste qui ignore dans sa version orthodoxe la tolérance : en témoigne cette mésaventure récente d’une députée musulmane au Liban. Preuve aussi que le dieu des chrétiens et celui des musulmans n’ont au fond rien à faire ensemble, en dépit des tentatives de récupération par l’islam de la tradition monothéiste.
Rappelons que selon les règles de l’islam orthodoxe, l’apostasie est punie de mort. Loin s’en faut que cette mésaventure ne concerne que la question de la séparation du politique et du religieux, comme veulent le croire ceux qui recherchent l’apaisement au prix de la vérité.
Article de L’Orient Le Jour du 5 janvier 2019
La subordination du politique au religieux au cœur de l’affaire Roula Jaroudi
C’est une première absolue. Accusée dans les réseaux sociaux d’avoir renié sa foi pour s’être avancée, au cours d’une messe, vers le prêtre qui distribuait la communion, la députée musulmane sunnite de Beyrouth, Roula Tabch Jaroudi (courant du Futur), a été contrainte par Dar el-Fatwa de « s’excuser » et de faire à nouveau allégeance à l’islam.


« C’est grave : le fondamentalisme sur les réseaux sociaux a prouvé sa capacité à influer sur les choix politiques ; c’est nouveau au Liban », a jugé hier le P. Fadi Daou, président de la Fondation Adyan, commentant pour l’OLJ l’affaire Roula Tabch Jaroudi. En outre, le P. Daou est inquiet du fait que la logique sectaire « a eu raison d’une ligne politique connue par sa modération et son attachement au vivre-ensemble, en impliquant Dar el-Fatwa dans l’affaire aussi. » « Pour un pays régi par un Etat de nature civile, cette subordination du politique au religieux est sans précédent, et contraire à l’esprit du Liban », explique encore le P. Daou. Le fondateur d’Adyan juge les réactions à cette affaire trop « identitaires ». « Il faut éviter l’amalgame. C’est passer à côté de la question fondamentale que d’en faire un problème de rapports entre chrétiens et musulmans ; le problème véritable n’est pas personnel, mais public, c’est celui du rapport qui doit s’établir entre les domaines civil et religieux. C’est un problème au niveau citoyen », insiste-t-il.
Sammak : J’ai honte !
« J’ai honte ! À quoi sommes-nous réduits ! » a affirmé de son côté hier à L’OLJ Mohammad Sammak, coprésident du Comité national pour le dialogue islamo-chrétien. « C’était un geste de piété dû sans doute au manque d’expérience ; on en a fait toute une histoire. Mais on ne corrige pas une erreur par une autre. Nous assistons tous à des messes et avons tous accepté le pluralisme religieux », a enchaîné M. Sammak. « Et dire qu’après cela, nous voulons faire du Liban un centre international pour le dialogue entre les cultures et les religions ! » a-t-il renchéri.
Dans les milieux sunnites modérés, on juge « inquisitoriale » la démarche de Dar el-Fatwa. Et de laisser entendre qu’il existe une cassure au sein de l’instance sunnite, partagée entre une aile modérée et une aile fondamentaliste incarnée par cheikh Amine Kurdi.
Prenant les devants à ce sujet, un communiqué de Dar el-Fatwa sur cette affaire a précisé que la démarche auprès de la parlementaire l’avait été « conformément aux directives du mufti ».
L’affaire remonte au mardi 1er janvier 2019 quand, au cours d’une messe célébrée dans le centre d’Antélias de la congrégation Mission de Vie, la députée, mal informée des différents moments liturgiques d’une messe, s’était avancée vers le prêtre qui officiait, le P. Wissam Maalouf, pendant que ce dernier distribuait la communion. Elle avait eu droit à un sourire attendri du prêtre, qui s’est contenté de poser le ciboire sur sa tête.
L’office était destiné à marquer la Journée mondiale de la paix instaurée par le pape Jean-Paul II en 1986, et était célébré en présence du ministre Melhem Riachi et des députés Ibrahim Kanaan, Michel Moawad, Farid Boustany et Hagop Terzian.
L’opinion choquée
L’allégeance à l’islam imposé de nouveau à la parlementaire a choqué d’autant plus qu’elle avait dû se rétracter par rapport à un premier communiqué, publié mercredi, dans lequel elle avait assuré que « les rites et le respect des coutumes d’autrui ne modifient pas la foi intime et ne transforment par le musulman en renégat ».
Intimidée par la cabale soulevée, la députée s’était rendue jeudi à Dar el-Fatwa où, après avoir été instruite et chapitrée par le secrétaire général de l’instance, le cheikh Amine Kurdi, elle avait été conduite à adhérer à nouveau à l’islam, comme si elle avait apostasié. « Ce que j’ai fait n’était pas prémédité. Je me suis excusée auprès de Dieu », avait-elle indiqué dans un communiqué de circonstance.
Cette rétractation a déplu et suscité de vives réactions. Ainsi, le directeur du Centre catholique d’information, le P. Abdo Bou Kasm, a repris la députée, l’accusant de ne pas avoir résisté à « la tentation de la surenchère ». La députée aurait dû « présenter ses excuses à sa religion, pas à Dieu », a affirmé le prêtre. « Nous ne sommes pas des athées, la religion chrétienne est la religion de Dieu », a-t-il ajouté.
Symptomatique également est la réaction de la journaliste de télévision Dima Sadek, qui a affirmé dans un tweet qu’elle s’apprêtait à se solidariser avec la députée, avant d’être « choquée » par son message d’excuses. « Comment peut-on s’excuser d’avoir pénétré dans une maison de Dieu, s’est indignée la présentatrice vedette de la LBCI, alors même que le Coran classe les chrétiens parmi les gens du Livre ? »
Un témoignage du rapport de l’islam aux chrétiens d’Orient
L’islam ne peut pas être réformé
L’ORIENT LITTÉRAIRE (13/3/2016)
Ali Harb : « L’islam ne peut pas être réformé » par Tarek Abi Samara
http://www.lorientlejour.com/article/975213/ali-harb-lislam-ne-peut-pas-etre-reforme-.html
Après l’affaire Kamel Daoud qui a valu à cette personne l’ire de l’islam « modéré », il est intéressant d’illustrer le fossé qui sépare la liberté d’expression en France de celle dont on peut jouir dans d’autres pays qui ne revendiquent pourtant pas le titre orgueilleux de « pays des droits de l’homme ». Voici, pour s’en convaincre un exemple d’article publié récemment (13 mars 2016) dans le quotidien libanais bien connu « L’Orient Le Jour », interview d’Ali Harb, philosophe libanais, publiée sans problème au Liban, mais dont on imagine quelles conséquences médiatiques ou judiciaires elle pourrait avoir sur l’interviewé en France si celui-ci, n’était pas musulman (chiite).
Les propos sont d’une grande clarté et ne nécessitent pas d’explicitation particulière mais méritent néanmoins un commentaire quant au caractère supposé systématique et global de la violence dans les religions monothéistes.
- Introduction de l’interview par le journaliste
Le journaliste : Quelle relation l’islam entretient-il avec le terrorisme qui sévit actuellement partout dans le monde ? Depuis les attentats du 11 Septembre, cette question fait souvent la une de la presse et déchaîne des polémiques passionnées, voire haineuses. Certains affirment que le terrorisme est une aberration n’ayant aucun rapport avec l’islam en tant que tel ; ils sont traités d’aveugles. D’autres pensent que cette religion, aux antipodes du christianisme, est fondamentalement violente ; ils sont qualifiés d’islamophobes. Les deux camps font parfois référence à tel ou tel verset du Coran, espérant par ce moyen démontrer la barbarie de l’islam ou bien sa nature tolérante. Mais procéder ainsi, c’est oublier qu’une religion ne peut jamais être réduite à un livre fondateur, puisqu’elle est avant tout une pratique millénaire qui s’est cristallisée en une multitude d’institutions et de formes culturelles ; c’est comme ramener tous les régimes communistes au seul Capital de Marx.
Le journaliste : Un tel retour aux textes fondateurs pour y déterrer l’essence d’une religion, Ali Harb refuse de le pratiquer. Selon cet écrivain et philosophe libanais, une simple lecture du Coran montre que celui-ci dit tout et son contraire. Il faudrait donc adopter une méthode différente, aborder l’islam sous un autre angle : en tant que doctrine du salut, c’est-à-dire comme un système de pensée qui, à l’instar du christianisme et du judaïsme, mais également des « religions » du XXe siècle telles que le communisme et le fascisme, prétend détenir la vérité absolue. Pareille approche dévoile un potentiel terroriste bien réel inhérent à l’islam, idée que Harb développe dans son dernier ouvrage, Le Terrorisme et ses créateurs : le prédicateur, le tyran et l’intellectuel.
- Interview
Le journaliste : Il semble que la définition implicite du terrorisme qui sous-tend les thèses de votre livre est assez large, qu’elle s’applique autant à des actes de violence qu’à des systèmes de pensée…
Ali Harb : En effet, je pense que le terrorisme est surtout une attitude intellectuelle, celle de l’homme qui se croit le seul possesseur de la vérité absolue, le seul autorisé à parler en son nom. Cette vérité pourrait relever du domaine religieux, politique, social ou moral ; elle pourrait concerner Dieu, la nation, le socialisme, la liberté ou l’humanisme. Le terrorisme est également une manière d’agir : celui qui se croit l’unique possesseur de la vérité se comporte avec l’autre, le différent ou l’opposant, en ayant recours à une logique de l’exclusion, que ce soit au niveau symbolique – le takfir et l’excommunication, la déclaration de quelqu’un comme traitre à la patrie – ou au niveau physique – l’éradication, le meurtre. La devise du terroriste : pense comme moi, sinon je t’accuse et te condamne. C’est en ce sens que le terrorisme est perpétré par le prédicateur détenteur d’un projet religieux, le tyran porteur d’un projet politique, ou l’intellectuel promoteur d’un projet révolutionnaire pour transformer la réalité. Le prédicateur excommunie, le tyran condamne et déclare quelqu’un comme traître, l’intellectuel théorise et le militant ou le jihadiste agit et tue. D’ailleurs, le sort de toute pensée fanatique, de toute doctrine sacrée, est de se transformer en un régime totalitaire ou en une organisation terroriste. Ainsi, des régimes laïques tels que le stalinisme, le nazisme et d’autres, théocratiques, comme le régime de Khomeiny ou le mouvement des Frères musulmans, sont sur un pied d’égalité.
Le journaliste : Le terrorisme islamiste a-t-il subi l’influence de ces régimes totalitaires ?
Ali Harb : Les promoteurs des nouveaux projets religieux ont sans doute été influencés par les exemples de Franco, d’Hitler et de Mussolini, par leurs moyens de gouverner et leurs techniques de contrôler les hommes en les mobilisant et les remodelant pour en faire un troupeau scandant inlassablement un même slogan. Ce dualisme du dirigeant déifié et de la foule qui l’adore est une création assez récente. Mais d’un autre côté, les régimes totalitaires, malgré la modernité et la laïcité de leurs projets, sont une rémanence de la pensée religieuse, comme en témoigne la sacralisation de leurs doctrines et de la figure du dirigeant unique.
Le journaliste : Dans quel sens dites-vous qu’un musulman modéré et tolérant est une chose qui n’existe pas ?
Ali Harb : Toute religion monothéiste est en soi, de par sa définition même, un réservoir inépuisable de pratiques violentes. C’est l’une de ses potentialités toujours présentes, une sorte de virus logé au sein de ses gènes culturels. Tant que la religion est fondée sur l’exclusion de l’autre, sur le dualisme du croyant et de l’impie, du fidèle et de l’apostat, il est impossible de la comprendre autrement. Dans l’islam, la violence est encore accrue par un dualisme supplémentaire, celui de la pureté et de la souillure. C’est le scandale de la pensée religieuse islamique : le non-musulman est un être souillé, impur ; c’est une des plus viles formes de violence symbolique. De là vient mon affirmation qu’il n’y a pas de musulman fidèle aux dogmes et pratiques de sa religion qui soit modéré ou tolérant, sauf s’il est hypocrite, ignorant de sa doctrine ou en a honte. L’exemple le plus flagrant est la relation entre sunnites et chiites. L’ouverture de ces deux groupes, l’un vis-à-vis de l’autre, ne s’est pas faite, après des siècles de conflits et d’hostilité, grâce à de prétendues valeurs de modération et de tolérance qui seraient inhérentes à leurs doctrines, mais à cause de leur intégration dans les institutions de la société moderne : l’école, l’université, le marché économique, l’entreprise… Et lorsque chacun a régressé vers sa doctrine originelle, le conflit a éclaté de nouveau, mais d’une manière encore plus cruelle et destructrice, comme en témoignent actuellement les guerres dévastatrices entre les milices sunnites et chiites, ce qui me fait dire que nous sommes en présence de deux « religions » plus hostiles l’une à l’autre qu’envers l’Occident ou Israël. Tel est le sort de celui qui tient radicalement à préserver la pureté de son identité et de ses origines : exercer le racisme, l’extrémisme et la violence sous leurs formes les plus horribles. Ainsi, les jihadistes sunnites et chiites sont pareils, tous étant fondamentalement takfiristes, mus par la vengeance et la volonté d’éradiquer l’autre.
Le journaliste : Vous dites que les religions ne deviennent tolérantes qu’après leur défaite. La seule solution pour nos sociétés serait-elle donc de vaincre l’islam comme l’Europe a vaincu le christianisme durant le siècle des Lumières ? Ou bien l’islam peut-il être réformé ?
Ali Harb : L’islam ne peut pas être réformé. Les tentatives de réformes qui se sont succédé depuis plus d’un siècle, que ce soit au Pakistan, en Égypte ou ailleurs, ont toutes échoué et n’ont engendré que des modèles terroristes. C’est pourquoi je ne compte pas sur le renouveau du discours religieux réclamé par certains musulmans et même certains laïcs. La seule issue est la défaite du projet religieux tel que l’incarnent les institutions et les pouvoirs islamiques avec leurs idées momifiées et leurs méthodes stériles. Par ailleurs, je suis très critique à l’égard du concept de « tolérance », l’un des scandales de la pensée religieuse en général, puisqu’il implique une sorte d’indulgence de la part du croyant envers l’autre différent de lui, tout en considérant en son for intérieur que cet autre est un pécheur, un impie et un renégat, ou même une honte pour l’humanité. Ainsi, la tolérance annule toute possibilité de dialogue ; seule la pleine reconnaissance d’autrui permet à quelqu’un de briser son narcissisme, de dialoguer avec l’autre, de l’écouter et d’en tirer bénéfice afin de créer des espaces de vivre-ensemble d’une manière fructueuse et constructive.
Le journaliste : Peut-on comprendre la montée actuelle du terrorisme comme un signe du dynamisme et de la vitalité de l’islam, ceci étant donné que vous considérez la violence comme une des potentialités inhérentes à toute religion monothéiste ?
Ali Harb : Parler de la vitalité du phénomène religieux nous ramène à une formule célèbre attribuée à Malraux et concernant le « retour du religieux ». La religion est évidemment de retour, mais c’est un retour terrifiant qui a transformé le jihadiste en un prince terroriste, en un monstre et un bourreau. Mais il ne faut pas se laisser ensorceler par des mots tels que « retour » ou « vitalisme ». Tout phénomène ou activité possède deux aspects : initialement bénéfique, il peut dégénérer et produire des effets nocifs si l’on ne réussit pas à le modifier pour le faire évoluer. C’est ce qui arrive actuellement en France : son modèle social et économique, le meilleur en Europe, s’est usé et a maintenant besoin d’être renouvelé, ce que la France semble incapable de faire. Pour toutes ces raisons, je dis que le projet religieux de l’islam, ainsi qu’il a été reformulé il y a plus d’un siècle, n’exprime ni vitalité ni créativité ; il se réduit à une simple régression vers le passé, une réaction, motivée par un désir de vengeance contre l’Occident qui a réveillé la civilisation islamique de son sommeil. Je dis également que le projet de l’islam contemporain a échoué partout où des islamistes se sont emparés du pouvoir, et que des organisations terroristes comme Daech et ses semblables travaillent eux-mêmes à leur propre destruction et à celle du projet religieux en général. J’entends par là que les sociétés arabes devraient traverser tous ces malheurs, ces catastrophes, ces massacres et ces guerres civiles afin de se convaincre que l’islam n’est plus valable pour construire une civilisation développée et moderne. Il n’y a pas de réconciliation possible entre l’islam et la modernité ou l’Occident. Le projet islamiste d’établir un califat et le règne de la charia est une régression par rapport aux acquis de la civilisation. La seule issue, s’il y’en a une, pour sortir de cette impasse, c’est d’accomplir un travail d’autocritique, de désislamisation, afin de retirer le qualificatif d’« islamique » à nos partis politiques, nos États et nos sociétés. Seulement alors serons-nous capables de s’ouvrir à l’autre, de traiter avec notre tradition et le monde qui nous entoure d’une manière constructive et créative, et de contribuer ainsi au progrès de la civilisation.
Le journaliste : Quelle est la nature de la relation entre le terrorisme et les régimes arabes qui se prétendent laïcs ?
Ali Harb : Les régimes arabes n’ont jamais été ni laïcs, ni démocratiques, ni progressistes. Ces mots ne sont que des slogans vides de sens dont la fonction est de légitimer la prise du pouvoir. Ces régimes engendrent le terrorisme qui, à son tour, leur fournit une raison d’être, une justification pour se maintenir au pouvoir et exercer encore plus d’oppression.
Le journaliste : Pourquoi dites-vous que les élites intellectuelles ont contribué à la montée du fondamentalisme religieux ?
Ali Harb : Ils y ont contribué de deux manières. Premièrement, par l’échec de leurs projets de modernisation et de réforme. Leur attitude était utopique. Ils se sont comportés avec les idées qu’ils ont proposées d’une manière simpliste, les prenant pour des vérités absolues, des modèles préétablis n’ayant besoin d’aucune modification pour pouvoir s’appliquer à la réalité. Tandis qu’une idée, en passant d’une personne à une autre, d’une société à une autre, doit subir une sorte de transformation créative afin qu’elle puisse être efficacement implémentée dans un domaine ou un autre. Deuxièmement, certains intellectuels ont soutenu les régimes despotiques, dans leurs deux versions laïque et théocratique, sous prétexte que ceux-ci luttaient contre l’hégémonie des grandes puissances étrangères et à leur tête les États-Unis. Le plus fameux parmi ceux qui ont défendu cette position est probablement Chomsky, qui considère que la crédibilité de l’intellectuel se mesure en fonction de son opposition à la politique des États-Unis. Il a tracé le chemin à beaucoup d’intellectuels arabes qui se sont ainsi jetés dans les bras des tyrans.
- Commentaire sur la violence dans les religions monothéistes
Si les religions monothéistes ont un penchant naturel à exclure les autres dans la mesure où chacune considère être la seule à détenir la vérité, et par voie de conséquence à user de la violence pour imposer leur point de vue, il faut toutefois souligner le caractère tout à fait spécifique de l’islam à cet égard.
En effet, s’il existe une violence juive dans l’Ancien Testament, elle est historique et souvent symbolique. Et a-t-on vu depuis 2.000 ans des juifs tenter d’imposer universellement leur foi par les armes au nom de la Torah ? Jamais. Y a-t-il un message justifiant d’un point de vue spirituel la violence ? Non. Les conséquences de la Shoah et de la création de l’État d’Israël font partie du domaine politique et n’ont aucun lien avec le fond de la doctrine juive, le judaïsme n’étant de toute façon pas prosélyte.
Pour ce qui concerne les chrétiens, quels sont les textes du Nouveau Testament qui appellent à la violence ? Aucun. Jésus a chassé du Temple quelques marchands juifs en leur faisant peur. Quant à la parabole des talents, texte auquel il est parfois fait référence, elle figure le jugement dernier dans un contexte précisément explicité. Comment les textes chrétiens pourraient-ils appeler à la violence, alors que le message du Christ a précisément été d’interdire toute violence au point d’avoir refusé d’être défendu et de s’être laissé crucifier ? En revanche, il existe une violence chrétienne historique réelle, qui s’est introduite petit à petit au cours des siècles dans le monde chrétien, jusqu’à être défendue par certains papes ou religieux pour des raisons essentiellement politiques, mais elle a toujours constitué un profond détournement du message originel du christianisme. Les représentants du christianisme ont d’ailleurs fait depuis longtemps leur mea culpa à ce propos.
La situation est en revanche tout à fait différente en ce qui concerne l’islam. Les textes sacrés musulmans (Coran, hadiths, Sîra) non seulement contiennent de nombreux passages violents, et appelant à la guerre contre les mécréants (le jihad), mais ancrent le message final dans cette violence. Mahomet a d’ailleurs été lui-même un chef de guerre pratiquant razzias, expéditions, esclavage, exécutions, et le jihad qu’il a ouvert n’a jamais été refermé doctrinalement. La justification du jihad par la légitime défense est un mythe – il suffit de lire la biographie originale de Mahomet pour le constater – et l’expansion de l’islam par les armes lors des conquêtes des VIIème/IXème siècles était clairement la traduction d’une politique militaire de conquêtes. La violence est constitutive de la doctrine musulmane. Si le Coran contient « tout et son contraire », c’est pour la très simple et très bonne raison que cette doctrine politique a fluctué en fonction des objectifs stratégiques et tactiques de Mahomet et de ses vicissitudes militaires.
Si une religion ne peut pas être réduite à son texte fondateur, celui-ci reste pourtant fondamental. Il est absurde de prétendre le contraire. La religion ne se réduit pas à ce que les hommes ont fait des textes fondateurs, sinon, oublions tous les textes, et considérons que les 3 religions monothéistes ont le même message : un véritable voyage en absurdie. Toutes les dictatures communistes ne se réduisent pas au Capital de Marx, mais sans le Capital de Marx et l’idéologie marxiste qui en a découlé directement il n’y aurait pas eu par définition de communisme.